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Image   Yvette Rachel KALIEU ELONGO

Vers la dématérialisation des valeurs mobilières dans l'espace OHADA : l’exemple du Cameroun

Afrique - Droits nationaux
28/10/2017
Depuis 2014, toutes les valeurs mobilières émises sur le territoire camerounais, qu'elles soient nominatives ou au porteur, cotées en bourse ou non, sont représentées par une inscription dans un compte-titre. Le point avec Yvette Rachel KALIEU ELONGO, professeur agrégée de droit privé, Université de Dschang, Cameroun.
Les valeurs mobilières sont des outils de financement des sociétés et particulièrement des sociétés par actions (société anonyme et société par actions simplifiée). Elles permettent à la société de renforcer ses fonds propres et d'obtenir un financement à long terme. Elles sont aussi des instruments du marché financier car c'est très souvent sur ces marchés qu’elles sont émises et qu’elles s'échangent.
 
La généralisation de la dématérialisation effectuée par la loi camerounaise
La réforme du droit des sociétés commerciales OHADA intervenue en janvier 2014 (Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique du 30 janvier 2014 (AUSCGIE), a apporté des modifications au droit des valeurs mobilières tel qu'il était organisé jusque-là. Le nouveau régime est marqué par l'extension de la catégorie des valeurs mobilières (introduction des valeurs mobilières composées et des valeurs mobilières subordonnées par exemple) et surtout la consécration de leur dématérialisation. L'article 744-1 de l’AUSCGIE pose le principe de cette dématérialisation, sans en déterminer les modalités. Pour combler ce vide juridique, les législations nationales devraient intervenir. C’est le cas de la loi camerounaise du 23 avril 2014 sur la dématérialisation des valeurs mobilières complétée par le décret du 17 novembre 2014 fixant les conditions d’application de la loi.
 
Avec la loi du 23 avril 2014, le législateur camerounais a généralisé la dématérialisation qui, jusque-là, n'était prévue que pour certains titres. Désormais, toutes les valeurs mobilières émises sur le territoire national, qu'elles soient nominatives ou au porteur, cotées en bourse ou non, sont codifiées et représentées par une inscription dans un compte titre ouvert au nom de leur propriétaire et tenu soit par la société émettrice des valeurs mobilières, soit par un teneur de compte conservateur agréé par la commission des marchés financiers.
 
Les modalités de l’inscription en compte des titres sous forme électronique
Par ailleurs, s’inspirant des législations étrangères et particulièrement du droit français (C. com., art. L. 228-1), les textes précités organisent la dématérialisation des valeurs mobilières qui est une opération de substitution des certificats physiques par l’inscription en compte des titres sous forme électronique. L’opération, qui incombe aux émetteurs s’opère, en pratique, par leur inscription en compte, au nom de leurs propriétaires, auprès de l’émetteur ou d’un teneur de compte-conservateur. L'inscription en compte suppose qu'un compte-titres, encore appelé portefeuille-titres, soit ouvert au nom du propriétaire ou du détenteur des titres auprès de l'émetteur ou d’un intermédiaire financier (teneur de compte-conservateur). Le compte-titre est le compte où sont inscrites les valeurs mobilières et où sont effectuées toutes les opérations relatives auxdits titres, notamment le transfert, l’administration, la gestion et la conservation, l’exécution des ordres d’achat et de vente sur le marché boursier. L'inscription en compte permet alors une circulation des titres sous la forme dématérialisée. Le compte-titres peut être géré directement chez l'organisme émetteur ou chez un intermédiaire financier.
 
L’émetteur ou le teneur de compte-conservateur délivre au propriétaire, à son mandataire ou au détenteur des valeurs mobilières, une attestation portant sur les caractéristiques et le nombre de titres qu’il détient. L’attestation visée est un bordereau, qui présente certaines caractéristiques.
 
Dès leur inscription en compte, les valeurs mobilières et leurs caractéristiques sont centralisées auprès du dépositaire central agréé par la Commission des marchés financiers. Il s’agit de la Caisse autonome d'amortissement chargée de la conservation, de la coordination, du contrôle et de la supervision des opérations de dématérialisation au Cameroun.
 
Pour s’assurer de l’effectivité de la dématérialisation, des délais ont été imposés aux différents intervenants. D’une part, les sociétés émettrices des valeurs mobilières disposent d’un délai d’un an à compter de la publication du décret pour faire codifier et inscrire en compte leur émission auprès du dépositaire central. Un délai de deux ans a été accordé pour que tous les titres émis sur le territoire national soient mis sous la forme dématérialisée. D’autre part, les propriétaires des valeurs mobilières émises antérieurement à la promulgation de la loi d'avril 2014 disposent d'un délai de quatre ans pour se conformer à la nouvelle législation. À l'expiration de ce délai, ils perdront l'exercice des droits attachés à leurs titres, tels que le droit de vote ou le droit aux dividendes. La loi ajoute que, dans ce cas, les émetteurs, procèdent, à l’expiration d’un délai supplémentaire d’un an, à la vente des droits correspondants auxdites valeurs mobilières et consignent le produit de la vente dans un compte particulier au nom des propriétaires des titres ou de leurs ayants droit.
 
Il reste à espérer que les acteurs des marchés financiers s'approprient cette nouvelle législation pour la rendre effective. Il faut également souhaiter que la législation camerounaise soit une source d'inspiration pour d'autres pays de l'espace OHADA. On peut déjà signaler, en ce sens, le cas du Gabon qui a adopté une loi fixant le régime de la dématérialisation des valeurs mobilières (L. n° 27/2016, 6 févr. 2017).
Source : Actualités du droit